Hier, j’ai partagé l’analyse d’un historien expliquant comment l’incompréhension s’est installée entre les trois camps d’électeurs qui se dessinent aujourd’hui.
Il y montre que la désindustrialisation de nos territoires a regroupé géographiquement les classes sociales dans des zones sociologiquement homogènes. Les classes populaires en banlieues et en zones rurales. Les élites dans le centre-ville des métropoles. Ainsi, les membres de ces classes ne se fréquentent-ils plus. Ne se parlent plus. Ne se comprennent plus.
Voilà pourquoi nous tombons des nues les soirs de scrutins électoraux. Chaque clan étant sidéré par le choix des autres, fantasme sur leurs motifs de vote.
• Les urbains dépeignent la « France périphérique » comme des êtres moralement faibles et manipulables par quelques médias qu’ils voudraient interdire.
• Les classes populaires voient les habitants des métropoles comme une élite hors-sol. Vendue à la mondialisation, elle ferait son argent aux dépens des intérêts d’un peuple qu’elle a abandonné.
Mais, si la désindustrialisation fait que les classes s’isolent socialement les unes des autres, est-elle pour autant responsable de la nature des votes des uns et des autres ?
En partie sans doute, car le sentiment de déclassement économique pousse à la colère. Mais en partie seulement.
C’est d’ailleurs le sens d’un commentaire particulièrement pertinent que m’a adressé Pierre-Emmanuel MARTIN, patron de CARBON.
S’il y avait un lien direct et unique, écrit-il, entre désindustrialisation et montée du vote de type RN, il ne se manifesterait que dans les pays qui se sont désindustrialisés.
Or, on voit bien que, même dans des pays où l’industrie est restée forte, des partis de type RN se développent autant et depuis plus longtemps. En Italie du Nord, en Autriche, etc.
C’est à peu près, à l’échelle de la France, ce qu’écrit Amélie Ruhlmann, journaliste au Figaro, dans son article qu’elle m’a fait suivre hier. « De l’usine à l’isoloir, comment le Rassemblement national gagne toujours plus de terrain sur les terres industrielles ».
On y lit que le vote RN est fort et progresse dans les régions qui sont en train de se réindustrialiser. C’est le cas à Dunkerque ou en Moselle. Malgré l’arrivée en cours des gigafactories et la création de nouveaux emplois industriels.
Pourquoi ?
Parce que le rebond industriel y est récent et qu’il est perçu comme fragile, écrit-elle. Beaucoup d’ouvriers travaillent dans des usines en difficulté dont ils pensent que, n’étant pas positionnées sur des sujets verts, elles sont abandonnées par le pouvoir. Au profit de nouveaux projets à la mode.
Parce que les motivations du vote RN se portent beaucoup, selon les études récentes, sur des sujets régaliens mal adressés par les gouvernements.
Bref, si on en croit cet article, réindustrialiser renforcera la concorde nationale. Mais cela ne fera pas tout.