En France, le quatrième jeudi de novembre, nous ne célébrons pas Thanksgiving. Par contre, nous avons adopté le Black Friday.
Jour suivant le dîner de Thanksgiving, qui rassemble les familles autour d’une dinde, ce vendredi est traditionnellement chômé aux États-Unis. Le Black Friday est donc, depuis 150 ans, une occasion de promenade en famille. (NDLR La rumeur prétend que la dinde est aujourd’hui élevée aux antibiotiques, comme celle que les accords #Mercosur vont bientôt propulser dans nos assiettes. (Salutations à Marine COLLI, qui défend nos agriculteurs !).
Et que font des Américains quand ils se promènent en famille ? Ils consomment ! La veille, l’intégralité des neveux et nièces du pays avaient déroulé l’argumentaire qu’ils avaient préparé avec soin afin de faire passer leurs souhaits de cadeaux de Noël inutiles pour d’absolues nécessités. Et leurs chers oncles et tantes attendris s’étaient laissé convaincre.
Résultat, le lendemain, les adultes étaient tous de sortis. Ils utilisaient initialement ce vendredi pour lécher les vitrines et s’informer sur le prix de leurs futurs achats de Noël. Puis, ils allaient voir les matchs de baseball ou de football (Attention ! Ces gens-là y jouent avec les mains ! Et ils se prétendent nos alliés…) organisés pour l’occasion. Rien de bien commercial, donc.
Mais c’était sans compter sur le sens des affaires des commerçants yankees. Voyant cette foule se presser en vitrine et sillonner les allées de leurs boutiques sans dépenser grand-chose, ils se sont dit qu’il y avait là matière à faire des affaires.
Ils ont alors utilisé l’argument le plus convaincant pour transformer un promeneur désintéressé, qui suit un processus philosophique de quête de sens en cohérence avec son engagement social, sociétal et climatique, en consommateur frénétique qui se fout de tout : Diviser les prix par deux. Halala… Sacrés Américains. Aucun scrupule pour la planète… J’te jure…
Dans les années 50, des policiers de Philadelphie ont commencé à parler de cette journée comme d’un « vendredi noir » pour eux, tant la foule était dense et les rues noires de monde. Il devenait synonyme, pour les braves sergents, de journée à rallonge et de travail intense. Le Black Friday était né ! (Je précise aux gens qui parlent anglais comme Gilles ATTAF, que Black Friday, ça veut dire vendredi noir. Pardon, Gilles, mais les gens doivent savoir.)
Il nous aura fallu, en France, moins d’un siècle pour importer cette tradition. Et nous rendre compte que, tout en nous moquant de ces « sacrés Américains », incapables de rester lucides sur l’impact social et environnemental de ce qu’ils achètent dès qu’on en baissait les prix… On se comportait exactement comme eux. Sauf que, eux, au moins, la veille, ils sacrifient une dinde et, le lendemain, ils vont au match.
À défaut de dinde, nous, Français, sacrifions lors de chaque Black Friday, les produits Made in France et leurs fabricants. Car, et c’est bien triste, comme notre modèle social et nos normes environnementales sont coûteux, il est impossible aux marques qui fabriquent en France de faire de telles soldes.
Il y aurait une énigme psychologique à résoudre : Nous manifestons un attachement sans faille à notre modèle social lors de chaque scrutin… Mais refusons d’acheter les produits des entreprises qui le respectent et le financent via notre consommation. Ce sujet risquant d’être un peu long et douloureux, nous ne nous y attarderons pas.
Le sacrifice étant fait (eux les dindes, nous les PME Made in France), il ne nous resterait qu’à organiser des matchs de foot ou de baseball ce vendredi pour avoir accompli une action de mimétisme parfaite sur nos modèles américains.
Bon… Comme on n’apprécie ni le baseball ni le football américain et que Mbappé est parti en Espagne, je propose d’organiser à la place une grande marche pour le climat. Nos jeunes (et tous ceux qui veulent se convaincre qu’ils le sont encore) a-dorent !
Cette marche déambulerait au milieu de nos galeries commerciales et dans les rues quadrillées de publicités pour Shein. Elle permettrait à la très exigeante conscience climatique qui est en nous de faire une petite pause entre deux moments de lutte, en s’offrant quelques babioles Made in China réconfortantes. Il faut savoir s’aménager des pauses et s’accorder quelques plaisirs, pour trouver l’énergie de militer aussi vaillamment.
Nan… je plaisante ! Je ne veux culpabiliser personne. Aujourd’hui, le Made in France s’organise mieux. Il propose d’ailleurs une opération qui réunit plus de 250 marques qui fabriquent vraiment chez nous. D’ailleurs, Origine France Garantie est partenaire, et nous aussi.
Cette opération s’appelle Les Jours Tricolores. Les marques participantes vous proposent de les soutenir, tout en faisant des économies. Tout est expliqué ici.
Il y a des affaires. Peut-être pas aussi bon marché que celles fabriquées à l’autre bout du monde, mais l’effort a été fait !
C’est une opération qui lutte également contre les opérations de French Washing (nous, on appelle cela le Francolavage). C’est-à-dire des marques qui se prétendent françaises mais qui fabriquent tout ailleurs.
Chères résistantes, chers résistants, à nous de jouer !