Intéressante analyse de l’historien Pierre Vermeren dans le Figaro de jeudi. Il décrit, dans une interview vidéo, la fracture entre les milieux aisés urbains et ce qu’on appelle la France périphérique.
Pour lui, elle « traduit une rupture d’égalité des conditions socio-économiques d’une grande partie de la population française par rapport à son élite. »
Pourquoi ?
Parce que l’industrie a été abandonnée, pendant plus de 30 ans, par les partis politiques.
« L’industrie avait ce grand mérite, dit-il, de répartir la création de richesses sur le territoire. La désindustrialisation a séparé les populations en fonction des classes sociales. Et donc, finalement, on a une sorte de vote de classe. »
C’est pour cela que les élites sont surprises, sidérées pourrait-on dire, du résultat des dernières élections.
Parce qu’elles se sont regroupées dans les centres-villes, dans les banlieues cossues, où elles ne sont qu’entre elles, elles ne se confrontent plus à ce que pense le peuple.
« Une grande partie de la population ne fréquente jamais les classes populaires françaises qui vivent dans d’autres régions. Quand vous êtes dans des milieux homogènes, vous pensez que tout le monde pense comme vous, que tout le monde vote comme vous. Mais vous ne savez pas qu’à 30 km de chez vous, des gens ne visiteront jamais le lieu dans lequel vous vivez. »
Pierre Vermeren poursuit en pointant du doigt un terrible effet ciseau :
– D’un côté, l’industrie a quitté Paris et sa proche banlieue, entraînant la disparition progressive de sa population ouvrière. Pour mémoire, Paris était la plus grande ville ouvrière de France. Un million de ses habitants étaient ouvriers, il y a cent ans.
– De l’autre, les fermetures d’usines ont entraîné l’exil des cadres qui travaillaient en zone rurale ou dans des villes moyennes vers les métropoles. Ils y scolarisaient leurs enfants, s’y intégraient socialement. Ayant quitté ces territoires, ils ne fréquentent plus que d’autres cadres, dans les villes et banlieues gentrifiées.
Voilà pourquoi l’industrie a toujours été un moyen de faire société. Un moyen bien plus efficace que des cours de morale républicaine dont on voit bien, aujourd’hui, les limites. Son affaissement a nui au Vivre Ensemble.
Alors, plutôt que de nous indigner contre les autres, plutôt que de les juger infréquentables, remettons de l’industrie dans nos territoires. Et redevenons une vraie nation où le peuple et les élites s’écoutent et se comprennent à nouveau en se retrouvant autour d’un projet : Faire de la France un pays qui produit.