A l’occasion du troisième anniversaire des Forces Françaises de l’Industrie qui sera fêté ce 22 mai 2022, Laurent Moisson, l’un des co-fondateurs – à gauche sur la photo entouré de Gilles Attaf et d’Emmanuel Deleau- nous livre à travers cette tribune la genèse de l’aventure de ce club qui ne cesse de se développer à tous les niveaux : membres, villes, influence, projets et réalisations plus que concrètes.
Une aventure initiée avec Gilles Attaf et Emmanuel Deleau
« Parce qu’il faut parfois publier ses intentions pour s’obliger à les mettre en œuvre, il y a 5 ans j’écrivais ça sur Médium – Lire l’article–
Ma vieille conviction qu’il nous fallait nous engager concrètement pour l’entrepreneuriat made in France sans attendre une hypothétique prise de conscience par l’État se dévoilait au grand jour.
C’était avant de rencontrer Gilles Attaf, engagé bien avant moi dans la lutte pour la réindustrialisation de la France, et avant d’en parler à Emmanuel Deleau, un expert du développement de Clubs d’Entrepreneurs et d’Influence. Ensemble, il y a trois ans, nous lancions les Forces Françaises de l’Industrie (FFI). Je vous propose de revenir sur ce qui en fut la genèse.
2017. Entre deux missions de retournement de sociétés technologiques, j’animais les premières structures de ce qui deviendrait l’écosystème FFI : un cabinet de conseil qui travaillait à la transformation des entreprises et à leur influence, ainsi qu’un embryon de club qui présentait de jeunes talents créatifs à des amis entrepreneurs souhaitant s’ouvrir à de nouveaux concepts.
« J’avais trouvé les patrons de PME très seuls ou très mal accompagnés ».
J’avais déjà réalisé mes premiers investissements dans des PME traditionnelles et j’avais découvert à quel point ils pouvaient devenir une incroyable force de transformation et d’amélioration pour la France, à condition de se pencher réellement sur leur sort.
Car à l’époque, l’investissement dans de petites PME dénuées du qualificatif « start-up » n’intéressait pas grand monde. Disons que, dans le monde très moutonnier de la finance, ça n’était pas la mode.
J’avais pu constater, en tant qu’investisseur isolé, à quel point coacher ces PME consommait du temps et de l’argent. Plongé dans un monde où les experts comptables ne répondent que rarement au téléphone, où les banquiers ne comprennent pas toujours les projets soumis, où les aides publiques promises noient ceux qui les demandent sous un volume de paperasse qui les défocalisent de leur activité, où les « bons plans » de prestataires bon marché ou de stagiaires miraculeux finissent trop souvent par confirmer le dicton Québécois du « quand ça coûte pas cher, ça vaut pas cher » ; j’avais trouvé les patrons de PME très seuls ou mal accompagnés.
« L’idée insupportable d’un grand gâchis »
Pourtant, beaucoup de ces entrepreneurs, de ces artisans, de ces titulaires de métiers qui font encore la réputation, l’image, la culture française (gastronomie, mode, luxe…), avaient un talent fou, une vraie ambition et une force de travail inépuisable.
Je dois ici me confesser : je suis d’origine auvergnate et en Auvergne, on n’aime pas gâcher (je rappelle que nous ne sommes pas radins, nous sommes écolos depuis 1 000 ans, ce qui n’est pas pareil et devrait nous valoir plus de respect..). Alors, laisser de tels gisements de créativité, d’énergie, de richesses pour notre pays inexploité m’était tout simplement insupportable.
Je publiais alors la tribune à laquelle cet article fait allusion, et me mis au travail, avec déjà quelques relecteurs éclairés qui deviendraient mes premiers associés dans la constitution du véhicule d’investissement que j’envisageais de créer (Guillaume Lebeau, Emmanuel Deleau, Philippe Rochmann et quelques autres). Deux ans plus tard, j’étais sur le point de lancer ce véhicule (le French Touch Fund… oui, je sais le nom est moche, mais pour une raison que j’ignore, nous l’avons gardé), quand Gilles Attaf, que j’avais rencontré un an plus tôt me lance :
« Toi qui animes ta petite communauté d’amis investisseurs, tu ne veux pas m’aider à lancer un club qui accueillerait la communauté de ceux qui militent pour le Made In France ? On se voit quelques fois par an, mais il manque un rendez-vous mensuel où on se retrouve entre nous. »
« Bonne idée, lui répondis-je. On a qu’à partir de mon groupe d’amis et on y fait venir les tiens ? »
« Créons un club du made in France », me souffle Gilles. Banco !
Banco ! Ou presque… car, pour faire bien les choses, il nous fallait un professionnel de l’animation des clubs. Et ça tombait bien, car Emmanuel Deleau était déjà impliqué dans le French Touch Fund et créer et gérer des clubs d’entrepreneurs, c’était son métier depuis 15 ans.
Présenter un de ses amis à un autre de ses amis est toujours un moment spécial. Mais autant vous dire que ni le stress, ni la gêne n’ont eu la moindre chance de s’inviter à notre table, tant ces personnages se sont appréciés au premier regard. Il y a des coups de foudre en amour, celui-ci l’était en amitié.
Quelques verres plus tard, le pacte de sang était scellé. Restait à trouver un nom et une date pour l’événement de lancement.
« Quelque chose de Gaullien qui sente la résistance ! »
Ça m’ennuie un peu de vous dire ça, mais lors de notre tempête de cerveau (on perçoit mieux le ridicule de certains anglicismes quand on les traduit mot à mot, n’est-ce pas ?), c’est Gilles qui a remporté la décision… Il voulait quelque chose de gaullien, qui sente la résistance, le combat tout en fédérant les activistes déjà en présence. Et c’est tout à fait ce qu’étaient les illustres et authentiques FFI : des résistants dont la première mission était de fédérer les mouvements préexistants afin de les unir pour la défense d’une cause plus grande qu’eux et que leurs divisions.
Pour nous, les résistants contemporains étaient ceux qui n’avaient pas délocalisé à une époque où ni la fiscalité, ni le droit du travail, ni les innombrables normes, ni l’image des patrons dans l’opinion, n’étaient parvenus à venir à bout de leurs convictions. Il fallait être fous, têtus ou patriotes pour rester en France à ces époques qui ne parlaient d’entreprise que pour en dénoncer les travers. Et comme Gilles, Emmanuel et moi, on aime bien passer des soirées avec des gens frappés d’une de ces trois caractéristiques (fou, têtu et patriote), l’idée de les réunir une fois par mois au bistrot nous est apparue comme une absolue nécessité.
Un résultat à la hauteur de nos espérances…
Nous voilà donc partis pour nous appeler les Forces Françaises de l’Industrie. Je rédige un premier texte d’invitation qui voulait faire honneur à une obsession d’Emmanuel : faire les choses sérieusement sans jamais se prendre au sérieux. En le lisant, on se prend à rigoler. Et si on allait jusqu’au bout du geste en lui donnant l’apparence d’un tract clandestin ? Je confie le texte à une graphiste, elle l’imprime, le salit avant de le scanner. Le résultat est à la hauteur de nos espérances.
Fiers comme des nigauds qui viennent de faire une grosse face, nous décidons alors de partager notre trouvaille à nos amis en les invitant à notre pré-lancement, le 22 mai 2019, dans mes locaux, au 6, rue Muller à Paris. On diffuse sur nos réseaux sociaux, nos copains se marrent (quelques anonymes nous insultent et s’indignent au passage) et de proche en proche, voilà quelques journalistes qui apprennent le lancement des FFI. Certains connaissent Gilles et son engagement de toujours pour le Made In France, le nom FFI les intrigue… et 4 animateurs télé nous invitent avant même le lancement du club.
La dernière d’entre elles était RMC, le matin même de notre lancement.
Une « télé radio » animée sur RMC…
Emmanuel était encore dans les transports, alors Gilles et moi y avons été sans lui. 45 minutes avec Éric Brunet, Emmanuel Lechypre qui s’invite en pleine émission parce qu’il trouvait le sujet intéressant et qu’il avait envie de contredire Éric… les débats sont vifs, passionnés, passionnants. Gilles avait l’habitude des plateaux TV et il a mis le paquet. Son expérience était un ancrage rassurant pour le bizut que j’étais (j’avais à peine quelques passages TV derrière mois à l’époque), mais on m’a donné le mot de la fin :
« Laurent Moisson, dit Éric Brunet, c’est bien votre truc, mais en France, on ne peut pas faire grand-chose sans les politiques. Alors si vous aviez un message à leur envoyer, ce serait quoi ? »
« Les politiques ? Je leur demanderai solennellement de nous foutre la paix. »
« Eh bien je leur demanderai solennellement de nous foutre la paix. Dans notre pays, on devrait pouvoir, entre citoyens, entre entrepreneurs, faire les choses sans toujours leur demander de s’en mêler. »
Éric Brunet aimait déjà bien Gilles, mais là, le libéral qu’il était jubile. Il termine en invitant tous ses auditeurs à nous rejoindre le soir-même pour notre pré-lancement prévu pour à peine 30 personnes… Il donne l’adresse, l’heure, et rappelle ce qu’il a déjà bien voulu twitter un peu plus tôt dans la matinée : que notre cause valait la peine de s’engager.
Dépassé par le succès de notre soirée de pré-lancement…
Quelques heure plus tard, ça n’était pas 30 personnes qui vinrent nous rendre visite, mais près de 90. Certains avaient pris leur train de Nantes, de Marseille, de Lille, d’autres avaient annulé des diners ou des événements pour être des nôtres. Au milieu de nos amis, il y avait beaucoup de gens que nous ne connaissions même pas !
Autant vous dire qu’on n’a pas tous pu manger à notre faim tant nous étions nombreux, mais l’énergie de cette soirée était incroyable. À tel point que dès le lendemain, on nous demandait quand se déroulerait la prochaine.
Et c’est ainsi qu’une blague entre amis, partie d’une bonne mais vague intention, s’est transformée en un mouvement national qui compte aujourd’hui :
- 10 clubs d’entrepreneurs lancés dans toute la France
- Des centaines d’adhérents, des milliers de sympathisants,
- Un véhicule d’investissement qui a permis de développer 15 PME made in France,
- Un accélérateur qui assiste 20 entreprises.
« Nous sommes devenus plus sûrs de nos forces ! »
Dans quelques jours, ce sera notre troisième anniversaire. Nous vous dévoilerons le détail de nos projets à venir. Mais sachez qu’avec le temps, grâce à votre soutien, nous sommes devenus sûrs de nos forces.
Parce que nous ne nous sommes jamais contentés de nous indigner, parce que nous avons toujours préféré agir que de nous plaindre, parce que nous préférons rester positifs et mettre en lumière ceux qui luttent, ceux qui ont l’ambition que leur entreprise et leur pays réussissent, nous n’avons plus peur, aujourd’hui, de vous annoncer notre ambition pour les prochaines années : devenir le plus grand réseau privé d’accélération de PME, d’ETI et de start-up industrielles en France.
Comme quoi, boire des verres avec deux bons copains ne débouche pas uniquement sur des maux de têtes. In vino veritas. »
Laurent Moisson.
Rétroliens/Pings