C’est ce qu’Olivier Lluansi a déclaré lors de son intervention au Colloque des Régions de France. À l’occasion de la sortie de son livre « Réindustrialiser : le défi d’une génération » (en vente sur notre site), il a mis un bémol aux annonces triomphalistes du moment.
« On nous a promis une réindustrialisation faite en 5 ans. Mais nous n’avons créé que 20 000 emplois industriels par an. Il en aurait fallu au moins le triple pour être sur une véritable trajectoire de réindustrialisation. »
Pareil pour les ouvertures d’usines : « Nous avons créé 100 à 120 sites industriels par an pendant 2 ans. Et ce solde est aujourd’hui proche de zéro. »
Pour ce professeur à l’École des Mines, on ne réparera pas si vite ce que 40 ans de démolition ont mis à terre. Le mal a planté ses profondes racines dans notre économie, mais aussi dans notre culture, notre imaginaire.
L’industrie c’est encore dégradant, destructeur pour bien trop de nos compatriotes. Alors, comment accepter d’y voir travailler ses enfants ? Comment y investir une partie de son épargne ? Comment tolérer qu’une usine s’installe à la sortie de son village ?
Voilà pourquoi Olivier prêche inlassablement. Parce qu’il faut convaincre tout le monde que l’industrie est une solution pour faire face à l’avenir. Et il a des arguments :
On réindustrialise pour réduire notre empreinte environnementale. Pour sécuriser des biens essentiels face aux crises à venir. Pour créer de la valeur ajoutée dans les territoires et de bons emplois ailleurs que dans les métropoles.
L’essentiel de notre potentiel se trouve dans nos territoires. 2/3 du gisement de projets et d’emplois est dans la densification du tissu industriel existant. Or, on concentre l’essentiel des investissements publics sur les startups et gigafactories qui ne représentent pas plus d’1/3 de la valeur à créer.
Adopter une approche décentralisée sera plus efficace : C’est ce qu’ont fait l’Italie (17 % du PIB dans l’industrie contre 9 % en France), l’Allemagne (20 %), la Suisse (18 %)… Ces pays ont maintenu leur industrie sans devenir des pays à bas coût.
Nous avons des formations, suffisantes en nombre. Pas toujours au bon endroit, pas toujours les bonnes compétences. Mais notre principal ennemi est ailleurs : la moitié des jeunes formés ne vont pas dans l’industrie en raison de son image dégradée. Il faut donc gagner la bataille de l’opinion !
Nous avons de l’argent pour financer tout cela. « Pas dans les caisses de l’État, mais sur nos comptes épargne. »
Les Français disposent de 6 600 milliards d’euros d’épargne financière. D’ici 2035, pour faire notre réindustrialisation, nous avons besoin de 200 milliards d’euros. C’est 3 % de ce montant.
Bref, ajustons notre politique et mettons nous dans le bon rythme. Ce ne sera pas un sprint, mais bien une course de fond.