En France, on aime bien parler de « l’État stratège ». Personnellement, quand j’entends ce terme, je ne peux pas m’empêcher de rappeler qu’un État stratège, ça fonctionne quand on élit un stratège à sa tête. Sinon, ça fait mal. Comme ce fut le cas avec Superphénix.
Est-ce pour ramener notre morale à des niveaux d’avant la parenthèse enchantée des JO que Le Figaro a consacré une série de reportages aux « fantômes industriels français » ? Je ne sais pas. Mais la saga qu’il présente sur les fiascos économiques de notre pays fait assez mal.
Parmi les souvenirs tristes que ses articles évoquent, on y trouve celui de Superphénix.
« La seule évocation de ce nom, écrit le journaliste, suffit à déclencher des soupirs empreints de regrets. De rancœur même. Les « historiques » du nucléaire en parlent encore avec des trémolos dans la voix, quand ils ne rêvent pas de faire renaître une nouvelle fois le projet de ses cendres. »
On voit, dans cet article, comment ce surgénérateur nucléaire a été sacrifié sur l’autel d’accords électoraux (Jospin X Les Verts 1997).
Avant de devenir l’un des plus magistraux exemples de « but contre son camp », il était pourtant l’incarnation du rêve d’indépendance énergétique français.
Il permettait, de surcroît, de régler en partie un problème délicat. Utilisant les déchets problématiques des centrales traditionnelles comme combustible, il en réduisait le volume et la radioactivité. Ces derniers pouvaient ensuite être recyclés à l’usine de la Hague. Il produisait, par ailleurs, d’autres combustibles utilisables par d’autres centrales.
« La question des déchets est un des éléments clés du discours des opposants au nucléaire. Le bouclage du cycle les priverait d’un précieux argument, mais offrirait à la France une autonomie énergétique inégalée », résume Le Figaro.
Voilà pourquoi, malgré les premières réussites des réacteurs Rapsodie et Phénix, Superphénix est confronté très rapidement à une opposition farouche des antinucléaires. Des violences éclatent en 1977 et des attaques en 1982. Le réacteur franchit quand même toutes les étapes de validation et est couplé au réseau en 1986.
Malheureusement, son avenir est scellé par Tchernobyl. Les pressions de certains partis politiques, trouvant un plus grand écho dans l’opinion du fait de cette catastrophe, réussirent à engager le lent démantèlement de notre leadership nucléaire. Il ne sera remis en cause qu’après la fermeture de la centrale de Fessenheim.
Aujourd’hui, alors que la France relance son programme nucléaire avec des projets de réacteurs modulaires, l’expérience de Superphénix continue d’inspirer de nouveaux développements.
C’est notamment le cas d’HEXANA, une startup développant des réacteurs à neutrons rapides. Son patron, Sylvain NIZOU, est d’ailleurs adhérent aux Forces Françaises de l’Industrie.
Il est actuellement en levée de fonds. Succès à lui !