Chers résistants, chères résistantes, chers soutiens,

Les lecteurs assidus de cette infolettre savent qu’elle aime parfois sonder les paradoxes de l’âme française. Une âme qui aime tellement le sens, la logique et la morale, qu’elle voudrait en voir partout. Même quand il n’y en a pas.

C’est sans doute pour cela qu’elle a tant de mal à appréhender les sujets les plus contre-intuitifs et bassement matériels. Et qu’elle est capable, aux époques les plus soucieuses de vertu, comme l’est la nôtre, de scier, pour des raisons éthiques, la branche économique sur laquelle elle est assise. Pour le plus grand bonheur de nos concurrents.

Ces premières lignes étant un peu théoriques, laissez-moi les illustrer en vous contant la merveilleuse histoire qui me les a inspirées : Celle du traitement des terres rares en France. Elle figurera, comme quelques autres, dans l’ouvrage que je vous ai promis d’écrire il y a déjà un moment et dont le nom de code est « La réindustrialisation au pays des Shadoks ». En précommande ici (sortie prévue en fin d’été).

Ce week-end, j’ai écrit un article sur la construction d’une usine de séparation des terres rares en France. (L’article est là.) Elle sera, une fois achevée, la seule installation hors de Chine de son genre et traitera 15 % de la production mondiale. Autant vous dire qu’une telle nouvelle méritait qu’on en parle.

Je confesse ne pas être un expert du domaine. J’ai donc passé un coup de fil à Bruno Jacquemin pour qu’il m’en dise plus. Bruno est secrétaire général de l’A3M – Alliance des Minerais, Minéraux et Métaux. Et comme il est aussi membre de notre club FFI, il ne pouvait pas me refuser quelques minutes d’entretien.

Voilà ce que j’en ai compris.

Les terres rares sont un groupe de 17 éléments aux noms aussi inconnus que cocasses. (Le lanthane est inconnu, par exemple. Le lutécium est cocasse, quant à lui. Et inconnu aussi.) Et contrairement à leur appellation, ces terres ne sont pas rares du tout.

En parlant de cocasse… Voilà l’image que mon IA me sort quand je lui demande de me trouver un visuel de Lutécium.

Elles sont devenues, année après année, une ressource extrêmement stratégique pour nos sociétés modernes. Sans elles, pas de téléphone mobile (imaginez vos enfants sans TikTok ?!?), d’éoliennes, d’écrans plats ou de batteries de véhicules électriques. Elles sont, en réalité, indispensables à beaucoup des transitions de nos sociétés : À leur digitalisation, leur électrification, leur transition écologique (là, c’est un peu plus contesté).

Or, aujourd’hui, seule la Chine maîtrise la totalité de leur traitement. Et ce pour une raison qui va vous désoler : Parce que nous y avons délocalisé l’ensemble de nos savoir-faire.

Car, oui, chers amis amateurs de tir de balle dans le pied, au tournant des années 1980-90, c’était bien la France qui était le grand leader du secteur. Rhodia, filiale de Rhône-Poulenc, traitait alors à peu près 50 % des terres rares du monde. La France était donc en pointe, devant le Japon, n°2.

Elle possédait notamment le gisement de Montebras dans la Creuse et traitait les terres rares dans sa raffinerie de La Rochelle.

Mais voilà, l’extraction et le raffinage des terres rares génèrent des déchets toxiques et radioactifs, car ces minéraux sont souvent associés au thorium et à l’uranium. C’est pour cela qu’il faut une industrie chimique de haut niveau pour réaliser ces processus.

La conscience écologique de l’Occident s’éveillant, la législation environnementale du moment a progressivement imposé de nouvelles normes. Compréhensibles et salutaires au début, elles n’ont pas tardé à s’emballer. Les analyses et contrôles faits sur le site et dans ses rejets ont toujours été conformes à la réglementation. Mais la pression des autorités locales (allant jusqu’à tarder ou refuser de renouveler certaines autorisations), celle d’associations de riverains ou d’écologistes locaux gagnés par la peur (notamment de la radioactivité, pourtant très bien gérée), des rumeurs, celle de la presse aussi, ont obligé l’usine à aller plus loin encore que ce qu’imposaient les normes. Jusqu’à rendre l’exploitation des terres rares bien plus coûteuse chez nous que dans d’autres pays.

La France a donc ralenti puis arrêté l’extraction et le traitement de terres rares. Nous étions au tournant des années 2000. Les pouvoirs en place estimaient que nous devions devenir un pays de tertiaire et que l’atelier du monde serait la Chine. (J’ai piqué ces phrases à Gilles ATTAF , qui doit avoir une larme à l’œil en lisant ces lignes.)

C’était aussi l’époque du démantèlement de Rhône-Poulenc. Pour créer plus de valeur boursière, la mode était à la spécialisation de nos grands groupes sur des métiers bien précis afin qu’ils augmentent leurs marges. Les activités maîtrisées par Rhodia ont alors été délocalisées en Chine. Celle-ci ignorait alors à peu près tout de ces savoir-faire complexes.

Mais voilà… En quelques années, l’élève a dépassé le maître. Parce qu’ils savent innover, et pas seulement copier, les Chinois ont appris à faire mieux. Imbattables sur les coûts de la main-d’œuvre et pas regardants du tout sur le plan des contraintes environnementales… (Oui, pour améliorer notre environnement, on a fermé les yeux sur le fait que les Chinois saccagent le leur)… Ils ont rapidement pris des parts de marché. Jusqu’à devenir les seuls à produire ces éléments.

Pas grave, pensions-nous, les Chinois ont bien trop besoin de nous vendre leurs terres rares ! Cela faisait d’eux des amis !

Mais voilà qu’en 2010, patatras ! En situation de quasi-monopole, la Chine décida d’interdire les exportations de terres rares. Seules les usines basées en Chine avaient le droit de s’approvisionner en ces éléments, devenues brutalement rares, pour le coup.

Au sein des groupes technologiques mondiaux c’était la panique. Tous se rendirent compte qu’ils ne pourraient désormais produire de matériel électronique que dans leurs usines basées en Chine. Il leur fallait donc déménager d’urgence l’ensemble de leurs moyens de production là-bas s’ils ne voulaient pas qu’on leur coupe l’approvisionnement.

À peu près tout le monde se soumit à ce diktat. Sauf le Japon.

Le Japan Organization for Metals and Energy Security (JOGMEC) est un organisme public en charge de la sécurisation des ressources stratégiques du pays. Il veillait au grain. C’est grâce à lui que le Japon, à la différence de la France et des États-Unis, a gardé des compétences importantes dans le cycle de traitement de ces métaux.

Face au coup de pression de la Chine qui menaçait de s’arroger une toute-puissance industrielle sur nombre de produits stratégiques pour bien des pays, le JOGMEC se lança alors dans une politique de partenariats à l’échelle mondiale.

Des mines du Mozambique, de Tanzanie ou de Namibie aux gisements et infrastructures d’extraction du Vietnam ; de l’aide à la relance de projets miniers en Amérique du Nord au renforcement des capitaux propres d’entreprises australiennes du secteur ; le JOGMEC investit auprès de nombreux acteurs de la filière dans le monde entier. Ceci en échange de contrats garantissant son approvisionnement.

Cet organisme est d’ailleurs l’un des principaux investisseurs, et des principaux clients, du projet Caremag, que la start-up lyonnaise CARESTER vient de lancer à Lacq.

Il aura donc fallu l’arrivée des désordres géopolitiques actuels et l’aide du Japon pour que la France se rappelle que la souveraineté est aussi un moyen de défendre ses valeurs éthiques.

Le héros de la fin de cette histoire s’appelle Frédéric Carencotte. Ancien de Solvay, il est le fondateur de CARESTER . Et, comme tout héros qui se respecte, en lançant son aventure, il a bien fait les choses :

  • Il a été chercher cinq experts retraités. Comme quoi, les boomers, ça peut servir à créer le monde d’après.
  • Il a poussé tous les curseurs environnementaux au maximum. Son usine sera ainsi la première au monde qui ne générera pas d’effluents liquides. Ceci grâce au recyclage de l’eau et des solvants utilisés. Le site prévoit aussi de réutiliser 80 % du CO₂ produit par ses fours.

Comme quoi il est possible de rendre plus saine une activité polluante si on ne se bouche pas le nez et qu’on fait les choses calmement.

Frédéric Carencotte

On en parlera ce soir à Clermont-Ferrand lors de la soirée FFI avec Philippe RIVIERE (inscription ici). Mais, à l’heure où la mobilisation générale de l’épargne vient d’être sonnée autour de l’industrie de l’armement, il est utile de se rappeler que les secteurs industriels sont souvent imbriqués. Les filières sont des écosystèmes. Elles ont besoin les unes des autres. Et les plus propres, pour fonctionner, ont besoin de celles qui émettent plus de CO2.

La semaine dernière, les Forces Françaises de l’Industrie étaient invitées à Bercy avec plus de 300 acteurs de la finance française. On en a fait un article, disponible ici.

On y a notamment découvert qu’il n’était plus sale d’investir dans la défense. Et qu’elle pourrait même être financée par les fonds ESG (la guerre deviendrait-elle « durable » ?).

Hier, je lisais les déclarations du commissaire européen Stéphane Séjourné dans le Figaro. Lui qui a voté, via le Green Deal européen, des lois renforçant encore les contraintes écologiques dans nombre de secteurs, dit vouloir rouvrir des mines en Europe.

« Sans lithium, sans nickel et sans graphite, personne ne peut fabriquer une batterie pour une voiture électrique. Sans germanium, il n’y a pas de semi-conducteur », a-t-il déclaré.

La morale, cette science qui nous passionne, nous Français, et qui nous fait décrire les choses de la vie avec « jamais » et « toujours », est décidément bien changeante.

Souvenez-vous-en la prochaine fois que vous voudrez épater la galerie en vous faisant prendre en photo en train de déboulonner la statue d’un personnage qui n’est plus à la mode… Cela pourrait vous être reproché par les prochains détenteurs de la morale.

Parce que, vous savez, « On ne naît pas boomer, on le devient » (Simone de Beauvoir).

Mon Dieu que notre époque est formidable !

Par Laurent Moisson

Abonnez-vous à notre newsletter

Abonnez-vous à notre newsletter

Rejoignez notre liste de diffusion pour recevoir les dernières nouvelles et actualités des Forces Françaises de l'Industrie.

Votre inscription à la newsletter est bien prise en compte

matadorbet matadorbet giriş matadorbet güncel giriş matadorbet güncel matadorbet matadorbet giriş matadorbet güncel giriş matadorbet güncel matadorbet official giriş matbet matbet giriş matbet güncel matbet güncel giriş matbet matbet giriş matbet güncel grandbetting grandbetting giriş grandbetting güncel giriş extrabet extrabet giriş extrabet güncel giriş extrabet mobil giriş marsbahis marsbahis giriş marsbahis güncel giriş marsbahis mobil giriş hacklink jojobet jojobet giriş jojobet güncel jojobet güncel giriş casibom casibom giriş betwoon betwoon giriş betwoon güncel betwoon güncel giriş matbet matbet giriş matbet güncel matbet güncel giriş betwoon betwoon güncel betwoon güncel giriş betturkey betturkey giriş betturkey güncel giriş betturkey güncel matbet matbet giriş matbet güncel matbet güncel giriş matadorbet matadorbet güncel matadorbet güncel giriş betcio betcio giriş betcio güncel betcio güncel giriş sahabet sahabet giriş sahabet güncel giriş sahabet matbet matbet giriş matbet güncel matbet güncel giriş matbet matbet giriş matbet güncel giriş betpark betpark giriş betpark güncel giriş betpark güncel betturkey matbet güncel matbet güncel giriş betturkey güncel adres betturkey betturkey giriş betturkey güncel giriş matbet güncel extrabet extrabet giriş extrabet güncel giriş extrabet extrabet güncel giriş extrabet giriş matbet matbet giriş matbet güncel giriş matbet matbet giriş matbet güncel giriş betwoon betwoon giriş betwoon güncel giriş betwoon betwoon giriş betwoon güncel giriş betcio betcio giriş betcio güncel giriş betcio betcio girşi betcio güncel giriş betcio betcio giriş betcio güncel giriş betcio betcio giriş betcio güncel giriş betwoon betwoon giriş betwoon güncel giriş betwoon mobil giriş sahabet giriş sahabet güncel giriş sahabet mobil giriş hacklink