Chères résistantes, chers résistants, chers soutiens,

J’ai lu sur la page d’un « expert » en communication que si on voulait qu’un post porte, il fallait le doter d’un titre provocateur. Cela attirerait l’œil.

Pour ce nouveau numéro de notre infolettre (le 100ème !) je me suis donc mis en quête d’un titre tellement excessif qu’il en deviendrait absurde. Malheureusement, vu l’actualité, il est possible que celui que j’ai choisi ne soit pas si perché que cela.

Car, Mesdames et Messieurs, l’heure est grave. Les fermetures d’usines s’accélèrent, les plans sociaux se multiplient alors que bien des projets d’implantation sont annulés, réduits ou reportés…

Dans ce contexte, on aurait aimé que le gouvernement ou nos politiques en général sonnent l’alarme. Mais, depuis quelques semaines, un épais silence règne sur l’industrie.

Il y a bien eu quelques cris d’indignation dans la communauté. Mais c’étaient pour dénoncer les revirements pleins de testostérone de patrons de la tech américaine. Ces anciens champions du progressisme aux dents blanches ont, en effet, brutalement suspendu leurs politiques RSE… Abandonnant ainsi, en rase campagne, les disciples du « for good » qu’ils avaient placés au firmament de l’influence.

Vous la sentez comment la charte éthique de Shein ?

Le cynisme naissant de la contemplation du genre humain face à ses croisades morales, les observateurs expérimentés de la vie économique n’ont pas été très étonnés par ce revirement spectaculaire. Eux savent que les grands marchands adoptent, depuis l’Antiquité, les valeurs morales les plus en vogue de leur temps pour mieux raconter leurs produits, leur donner du sens et les vendre un peu plus cher à ceux qui veulent bien les écouter. (Je vous renverrais bien à l’un de mes livres qui parle de cela. Mais je trouve que pratiquer l’autopromotion, c’est un peu vulgaire. Bon, d’accord… il est ici).

En toute objectivité, c’est un chef-d’oeuvre. JC lui-même m’a remercié de l’avoir cité.

Le problème, c’est qu’une part importante de la population active y croyait vraiment, elle, à ces promesses de monde de demain. Elle pensait sincèrement qu’on pouvait imposer le bonheur professionnel à chacun et changer les pratiques de toute l’industrie chinoise et américaine en imposant des montagnes de normes tatillonnes aux dernières usines françaises qui n’avaient pas encore fermé.

Après coup, il est facile de leur jeter la pierre. Certes, il faut être naïf à manger du foin pour imaginer que la politique éthique promue par de grandes entreprises capitalistes américaines était autre chose qu’un tissu d’opportunisme. Mais que voulez-vous… On a tous, au fond de nous, une petite Anne prête à dépanner le premier Brad Pitt qui passe par là de 830 000 €. C’est ainsi.

Seulement voilà… On savait déjà (mais il ne fallait pas le dire) que nos engagements éthiques et climatiques renchérissaient nos produits, notamment parce qu’ils ont été pensés de façon trop dogmatique. On savait aussi qu’ils nuisaient à la rentabilité de nos PME et ETI industrielles, qu’ils généraient une bureaucratie lourde, lente et coûteuse. Mais on l’assumait (ou on se voilait la face), parce qu’on croyait que tout le monde allait devoir passer par là. Alors, autant les devancer. L’histoire était en marche. C’était une question de temps.

On sait aujourd’hui, à l’heure où les engagements éthiques européens se renforcent encore, que :

  • La Chine (pour l’industrie), le Brésil (pour l’agriculture) et beaucoup d’autres, ne nous ont pas suivis sur cette voie. On leur achète donc, en baissant le regard, des produits qui ne respectent absolument pas les contraintes qu’on impose à nos entreprises… Des produits qui, en plus font le tour de la Terre avant de terminer dans nos boutiques chartées RSE de nos galeries commerciales.
  • Que les Américains du Nord, leaders du monde avec la Chine, ont annoncé sortir de cette course à la vertu. Le virage trumpiste que le Canada jadis Trudeauien s’apprête à prendre ne devrait pas tarder à confirmer cette tendance.
La rédaction précise que cette photo est un fake. Justin ne s’abaissera jamais à travailler au service RSE de Shein, lui.

Face à cela, notre ministre de l’Économie vient de déclarer chez Apolline de Malherbe, qu’en France, il ne fallait rien changer. Il a rappelé que la « priorité de l’industrie était de se décarboner ». Et qu’il fallait que nos entreprises « acceptent d’abaisser leur rentabilité » pour ne pas freiner ce mouvement. Personnellement, je ne savais pas que les entreprises françaises étaient aussi rentables, mais je suis heureux de l’apprendre.

Bon… Pourquoi pas, me direz-vous ? Mais alors, dans ce cas, il faudrait :

  • Soit repenser complètement la façon dont nous mettons en place les normes vertueuses et les politiques RSE susceptibles d’accompagner la décarbonation de notre mode de vie. En faire de vrais outils de performance en les rendant moins dogmatiques ou incantatoires.
  • Soit imposer un protectionnisme réel à nos frontières. Le reste du monde pollue plus que nous et n’a pas l’intention de changer ses pratiques ? Alors qu’il paye la douane ! On aura alors des produits plus chers, certes (#PouvoirDachat), mais des produits de qualité et pro RSE. On garantira ainsi un avantage à nos PME et leurs salariés (#PreferenceNationale) en prenant soin de notre environnement.

Malheureusement, il suffit de lire la presse européenne pour constater que ce dernier point va être très difficile à mettre en place.

Les Européens du Nord, de l’Allemagne à la Suède, qui avaient, dans les années 1990-2000, les mêmes problèmes de compétitivité et de déficit public que la France d’aujourd’hui, veulent développer encore le libre-échange.

Ils estiment avoir fait des efforts de simplification, avoir réformé leur système dans la douleur (#fourmis) pendant que nous nous bercions d’illusions (#cigale). Aujourd’hui, ils refusent de se voir imposer le protectionnisme que les Français demandent. En gros, ils nous disent : « Réformez-vous, travaillez plus et plus longtemps, réglez vos problèmes au lieu de demander la protection des autres ». On ne s’est pas fait traiter de fainéants donneurs de leçons, mais on n’est pas passé loin.

Le protectionnisme Européen ? On y croit ?

Bref, il nous reste la voie de la refonte de nos réflexions normatives et RSE. Il faut les repenser sans les éteindre et essayer d’en faire ce qu’on nous avait promis qu’elles seraient : Des outils de modernisation de notre appareil productif. C’est un projet que nous allons étudier dès maintenant aux FFI. Si vous voulez y participer, rejoignez la meute FFI ! Inscription ici.

En attendant, la crise dans laquelle nous ont plongés ceux qui ont oublié que l’éthique d’un produit, ça joue, mais que c’est son rapport qualité-prix qui convainc le mieux les consommateurs, ne fait que commencer. (Votre enfant climato-anxieux et s’habille en Shein ? Appelez notre cellule de soutien psychologique. Nous vous soutiendrons.)

Les solutions pour en sortir seront complexes à mettre en œuvre. Car elles interrogeront nos valeurs. Accepterons-nous de dégrader nos exigences morales et environnementales pour que nos entreprises redeviennent compétitives ? Accepterons-nous d’être moins européens, moins universalistes, pour devenir protectionnistes ? L’avenir le dira.

Ce qui est sûr, c’est que chaque semaine où nous fermons les yeux sur le virage que vient de prendre le monde, chaque jour où nous restons dans le déni, la situation s’aggravera. La funeste mécanique en cours est en train de s’emballer et, chaque mois, se poursuivra la déferlante d’annonces :

  • De grands groupes qui ferment des usines en Europe (vertueuse) pour ouvrir des usines aux US (climatosceptiques).
  • De records de faillites de PME battus. On ferme à nouveau plus d’ateliers qu’on n’en ouvre en France.
  • De plans sociaux qui se multiplient et d’un chômage industriel qui remonte.
  • De reports, d’annulations ou de réductions des grands projets d’implantation industrielle qu’on se réjouissait d’accueillir il y a peu.

Il est pourtant possible d’avancer. On peut redevenir compétitifs tout en soignant nos chartes RSE. On peut être un peu plus protectionnistes sans s’enfermer pour autant.

Mais pour cela, il faut moins écouter (mais les écouter quand même) les militants anxieux et les administratifs hautains (il y a beaucoup d’administratifs pas du tout hautains, faut juste les choisir eux). Car aujourd’hui, ceux qui sont aux manettes sont capables d’assommer de contraintes ceux qui produisent en France tout en laissant entrer des produits venant de pays qui ne respectent pas nos exigences climatiques.

Et il faudra plus écouter les entrepreneurs et les industriels qui, je vous l’assure, ne disent pas que des bêtises. Parce qu’ils savent, eux, qu’à la fin, c’est le consommateur qui décide.

C’est ensemble qu’on avancera, pas les uns contre les autres. Alors reparlons-nous.

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