Nous écrivions récemment sur l’engouement de notre époque pour la radicalité militante et ses limites.
Parce qu’elles finissent, à force d’outrance, par exaspérer les modérés et les extrémiser contre les causes qu’elles défendent, les actions radicales sont souvent contre-productives.
Un article des Échos du 24 mai dernier nous en donne un bon exemple.
Il rapporte les incidents qui ont eu lieu lors de la dernière assemblée générale d’Amundi.
Cette dernière a été perturbée par des militants écologistes critiquant le soutien du gérant d’actifs à TotalEnergies. Amundi en est en effet un actionnaire important.
La police a interpellé 173 personnes, et Amundi a déploré huit blessés parmi les agents de sécurité, dont certains ont été transportés à l’hôpital.
Avec ses 4,6 %, Amundi est le quatrième actionnaire de l’énergéticien, derrière BlackRock, FCPE TotalEnergies et Vanguard. BlackRock et Vanguard étant des fonds de pension… américains !
On critique souvent le rôle « des élites » dans la perte de notre souveraineté industrielle et la vente de nos fleurons à des sociétés étrangères. N’oublions jamais notre rôle en tant que citoyens.
C’est nous qui votons pour ces élites. Et, comme ici, il nous arrive de leur mettre une pression suffisante pour qu’ils finissent par prendre des mesures qu’on va leur reprocher quand leurs conséquences se feront sentir.
On s’est exprimé récemment sur le sujet : Les fonds américains sont montés de 30 % du capital de TotalEnergies à près de 50 % en quelques années. Ceci parce que la réglementation européenne sur la décarbonation des actifs financiers et la pression d’associations conduisent les investisseurs institutionnels à vendre ce genre de titres.
Vous nous savez très enthousiastes au sujet du déploiement des ENR, des unités de production d’hydrogène vert et de tous les investissements qui prônent la décarbonation. Et il est clair que tout ce qui permet d’utiliser moins de pétrole est une bonne chose.
Mais qu’on nous explique en quoi le fait de vendre TotalEnergies à des fonds étrangers fera avancer ces causes ?
TotalEnergies est, à la base, un géant du pétrole, certes. Mais aucun de ses concurrents n’investit autant dans la décarbonation de son activité.
L’entreprise ouvre, notamment, d’immenses unités qui produisent de l’énergie décarbonée dans plusieurs pays.
En être actionnaire, c’est donc participer à la décarbonation d’une des
activités humaines les plus polluantes. Oui, ça peut paraître paradoxal. Mais
pour décarboner, il faut prendre le contrôle des activités carbonées avant de
les faire évoluer. Amundi a donc raison.
Car sans ce genre d’actionnaires, le risque est que, devenant majoritaires, les fonds américains demandent à TotalEnergies de cesser ses investissements ENR pour se concentrer sur l’exploitation pétrolière, comme le font les majors américaines.
Ceci constituerait un beau but contre le camp du climat.