C’est l’histoire d’une balade italienne qui s’est terminée en déviation professionnelle française. Commencer un article par une phrase aussi énigmatique risque de perdre quelques lecteurs pressés. Soit. Mais parfois, le mystère intrigue. Laissez-moi donc tester cet artifice littéraire pour vous emmener quelques lignes plus bas, sur les traces d’un véritable conte entrepreneurial.
Avant de se lancer, Antoine Fauqueur n’avait rien à voir avec la chaussure. Quand je lui ai demandé s’il avait une aïeule dans le secteur, il m’a répondu non. Je lui ai posé la question d’une éventuelle passion d’enfant ou d’une quelconque vocation qui se serait révélée sur le tard mais il a secoué négativement la tête. Quand j’ai fini par le prier de me donner au moins une raison profonde, un argument enraciné dans son passé, quoi que ce soit pour justifier qu’il quitte de prestigieuses entreprises pour se lancer dans des activités si traditionnelles, il a fini par avouer que c’est parce qu’il s’était égaré.
Égaré… perdu…
Un jour de promenade dans le sud de l’Italie, il ne retrouvait pas son chemin. Il est alors entré chez un artisan chausseur. Et, le voyant œuvrer, il est tombé en admiration. L’élégance du coup de main, l’odeur des matières nobles, la sensualité que leur touché suggérait ont probablement réveillé quelque chose chez Antoine. Quelque chose que les cycles de réunions et les présentations PowerPoint qu’il avait l’habitude de dérouler pendant ses journées de travail avaient sans doute engourdi. Un amour instinctif pour les savoir-faire artisanaux venait de surgir à la surface de son âme.
En rentrant en France, ce cadre marketing passé par Kellogg et d’autres grands noms s’est rendu compte à quel point nos ateliers de chaussures nationaux avaient souffert. L’essentiel de ce qui était un secteur d’excellence français avait fermé. Et ce qu’il en restait n’allait pas bien. Si Romans-sur-Isère était encore considérée comme la capitale française de la chaussure, la ville avait tout l’air d’une capitale déchue.
« J’ai assez vite compris que ceux qui avaient du savoir-faire ne maîtrisaient pas les techniques du faire-savoir. Or, faire-savoir, marketer, promouvoir, c’était mon métier. »
Alors, Antoine s’est lancé
Il s’est rapproché de plusieurs ateliers traditionnels, dont certains sont porteurs du prestigieux Label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) – L’excellence des savoir-faire français. Il a noué des partenariats équilibrés avec eux, tout en veillant à ce qu’ils respectent bien ses objectifs de développement durable. Tous émettent peu de déchets, parce qu’ils récupèrent la moindre chute de matière pour les réutiliser.
Dites-vous, chaque fois que vous lisez le terme « partenariat équilibré », que l’entreprise qui l’utilise ne fait pas de grosses marges sur le produit qu’elle vous vend. C’est parfaitement délibéré pour Antoine, convaincu par le fait qu’il faut que ceux qui maîtrisent le geste de production gagnent dignement leur vie. Ce noble geste n’en est pas moins une source potentielle de fragilité pour l’entreprise.
Alors, pour reconstituer la vigueur de son modèle économique sans sortir des chaussures trop chères, l’entrepreneur a eu l’idée de concevoir un réseau de distribution aussi économique que performant. Il a recruté des ambassadrices de la marque qui organisent des ventes à domicile.
« Ce sont souvent des femmes qui travaillent dans la mode, dans la confection. Elles sont connaisseuses et sensibles au travail bien fait. »
Ces professionnelles conseillent merveilleusement les clientes, notamment sur les différentes façons dont Unsibeaupas personnalise ses produits afin que chacun soit un produit unique. Ce réseau physique est complémentaire avec le site Internet d’un si beau pas : « les clientes peuvent tester la personnalisation de nos produits sur le web et venir toucher le produit en vrai, lors de ces réunions. »
Antoine, en plus de soutenir les ateliers qui sont restés en France, a commencé à rapatrier des compétences qui avaient disparu de notre beau pays. Il en a notamment fait venir d’Italie. Dont Mohammed, un ouvrier-artisan doté d’une merveilleuse expertise. C’est lui qui est sur la photo.
Depuis son lancement, Unsibeaupas, connaît une belle croissance, mais a besoin de lever quelques sous. On a d’ailleurs accueilli récemment Antoine lors d’une des sessions de pitchs de notre accélérateur FFI. Nous sommes d’ailleurs ravis que Mutuale, La Mutuelle Familiale, partenaire de notre club et mutuelle très engagée dans le Made in France, ait souscrit à sa recherche de fonds.
Il reste encore un peu de place dans l’augmentation de capital d’un si beau pas. Alors, si vous avez de l’épargne qui dort et que vous ne comprenez pas grand-chose aux bitcoins, n’hésitez pas à contacter Antoine.
Il vous racontera comment le rejoindre sur les sentiers de cette promenade italienne qui l’a mené jusqu’aux ateliers de Romans-sur-Isère.