Novacel Optical est un leader de la production de verres optiques en France.
La marque, lancée il y a 30 ans par Roger Duning, un Allemand amoureux de la France, est d’ailleurs la seule à fabriquer l’essentiel de ses verres en France. C’est ainsi qu’elle est devenue le principal employeur de la Ville de Château-Thierry.
Château-Thierry, vous vous rappelez ? C’est la ville où un grand groupe américain a annoncé récemment qu’il allait fermer une des usines historiques de Bellin-Lu. On avait alors organisé un bel événement FFI pour montrer que si, il y avait des entreprises qui décidaient d’investir dans des usines en France.
Arnaud Montebourg nous avait accompagnés et nous avions été reçus dans la magnifique unité de production de Novacel. L’entreprise venait d’annoncer le recrutement de plusieurs dizaines d’ouvriers… À peu près autant que Mondelez allait en supprimer sur son site voisin. Si c’est pas de la résistance efficace, ça ?
Quelques mois plus tard, nous retrouvons Jenkiz Saillet, le Directeur Général de Novacel dans une toute autre ambiance. La réindustrialisation qu’on croyait alors bel et bien lancée, patine, s’essouffle. Et le gouvernement menace de revenir sur les quelques allègements de charges et d’impôts qui avaient été décidés par son prédécesseur.
Les calendriers sont parfois farceurs… Car c’est précisément à ce moment que se tient « La Grande exposition du fabriqué en France » à l’Élysée. Voulue par le Président Emmanuel Macron comme le symbole de son soutien à la réindustrialisation, elle arrive comme un cheveu de volontarisme claironnant dans une soupe de faillites et de plans de licenciements.
Est-ce bien nécessaire de dépenser tant d’énergie à motiver les gens alors que les réformes structurelles permettant l’épanouissement de l’industrie avancent si lentement ? Et que celles qui ont été faites sont menacées à la moindre alerte budgétaire ?
Oui ! Répond Jenkiz Saillet. Sans la moindre hésitation. « C’est même dans les moments difficiles qu’il faut communiquer encore plus fort ! ».
Voici son interview. Bon, c’est un membre FFI, alors on se tutoie.
La candidature de Novacel à la grande expo de l’Élysée n’a pas été retenue. Tu es déçu ?
L’important c’est de participer… Mais oui, bien entendu, on est déçu. On a travaillé sur un dossier crédible. On y a mis du cœur et de l’énergie. Et on se voyait bien y retourner deux ans après y avoir été, pour présenter nos nouveaux produits et la progression de nos effectifs, de nos marges et de notre chiffre d’affaires. C’est important de montrer qu’il y a des ETI (Entreprise de Taille Intermédiaire) qui croissent année après année, malgré les crises. On fera mieux la prochaine fois. Il faut apprendre de nos échecs.
Et puis dans ce contexte morose, ça n’est pas le moment d’aller faire de la communication comme si tout allait bien.
Je ne suis pas d’accord. Plus il y aura d’événements privés ou publics qui mettent en avant les savoir-faire français auprès du grand public et plus on le sensibilisera à nos problématiques. Les politiques ne nous écoutent pas toujours, donc on a aussi besoin d’avoir les électeurs avec nous. Donc, quand on voit l’État nous offrir une tribune, il faut y aller. Surtout quand c’est soutenu par l’Élysée.
Tu sens que les choses bougent dans l’opinion ?
Il y a une prise de conscience, qui date notamment du COVID. Mais il y a encore beaucoup de chemin à faire. Beaucoup de pédagogie, car les gens ne se rendent pas toujours compte.
Beaucoup ne savent pas où se procurer les produits fabriqués en France ni même qu’il existe des produits faits en France dans de nombreux secteurs.
Il faut aussi montrer qu’il y a du made in France qui… n’est pas made in France ! Trop de marques ne disent pas la vérité en la matière. C’est pour cela qu’on fait certifier nos produits par Origine France Garantie.
Et puis il faut montrer qu’il y a encore des usines en France et qu’il faut les faire tourner. Car malgré l’ambiance du moment, ça n’est pas foutu !
Quels sont les messages sur lesquels insister pour convaincre ?
Faire la morale aux gens, ça ne marche pas. Pour convaincre, il faut donner envie au consommateur. Il faut expliquer pourquoi c’est bien d’acheter français, pourquoi ce sont des achats pleins de sens.
On ne dit pas assez que le made in France c’est écoresponsable, ça paye des impôts, ça défend des emplois.
La traçabilité est de très haut niveau, chez nous. Les normes que l’on respecte sont les plus sévères au monde. On travaille avec des matériaux qui ne rejettent pas d’éléments chimiques. Nos ouvriers sont formés en permanence et bien payés.
On dit tout le temps « achetez français » mais pas assez pourquoi.
On devrait être plus fiers de nos industriels ?
C’est évident ! Les industriels ont envie de bien faire.
On a encore des savoir-faire de haut niveau. Nous avons des leaders de marchés, mais aussi des leaders techniques et technologiques. Ça n’est pas connu car en dehors du vin, du luxe (pas toujours fait en France) et de la gastronomie : personne ne connaît les leaders français de son secteur.
Alors, bien entendu, on ne communique pas assez. Mais il y a aussi un manque de curiosité de la part des consommateurs.
On aimerait que les Français soient aussi fiers de nos industriels qu’ils sont fiers de leurs sportifs, de leurs artistes. C’est autour de cela qu’il faut communiquer.
Mais il n’y a pas que le grand public. Qu’en est-il du personnel politique ?
Chez les politiques, il y a trop de défaitisme et d’indifférence. Certains prennent les pro-made in France pour de doux rêveurs nostalgiques. Selon eux, c’est déjà perdu : on ne pourra jamais concurrencer les US ou les Chinois.
Ils ont mille fois tort ! Il faut au contraire investir plus dans les PME de nos régions pour les aider à grandir. Il y a beaucoup de valeur à créer en la matière.
Là, tu prêches des convaincus ! Tu sais que les FFI ont créé un fonds d’investissement avec le groupe Crystal pour flécher l’épargne de ceux qui veulent investir dans la réindustrialisation vers les PME de l’économie réelle ?
J’ai appris ça. C’est bien.
Qu’aurais-tu voulu mettre en valeur si tu avais pu exposer une nouvelle fois à l’Élysée ?
Beaucoup de choses. Mais si je devais choisir, j’en retiendrais trois :
- Novacel Optical est le dernier fabricant de verre à fabriquer principalement Origine France Garantie, donc en France, dans cette filière d’excellence qu’est l’optique.
Ah bon ? Vous n’êtes pas 100 % made in France ?
Eh bien non, cher ami ! Figure-toi que le dispositif de la sécurité sociale 100 % santé, voté par nos députés et appliqué depuis le 1er janvier 2020 nous oblige à fabriquer certains verres… en Thaïlande !
Pourquoi ? Parce que les prix demandés par la sécu sont tellement bas, qu’on ne peut pas les fabriquer en France.
Donc, une partie de l’argent de nos cotisations va financer les usines en Thaïlande ?
Tout à fait.
C’est donc le même problème qu’avec les médicaments ? On a vu, via un article que nous avons diffusé sur le site FFI, que comme la sécu veut toujours du moins cher pour faire face à ses déficits, seuls 3 % des médicaments qu’on consomme sont fabriqués en France…
C’est clair qu’il y a une absurdité à régler, ici.
Certes. Et les deux autres messages que tu aurais voulu faire passer ?
- La technicité de nos produits. Ils allient les techniques traditionnelles de surfaçage du verre et les nouvelles études algorithmiques les plus en pointe. Pour les verres progressifs, on a récupéré toutes les données clients et celles issues des prescriptions depuis 30 ans. En les croisant avec les caractéristiques personnelles de chaque porteur, Novacel est capable de faire du sur mesure. Mieux, c’est vraiment de la haute couture. Nous sommes parmi les pionniers à croiser nos savoir-faire traditionnels avec l’IA.
- Les produits d’optique sont importants pour le grand public. Les yeux, c’est comme les dents. On est au cœur de la santé des Français. Alors échanger avec le grand public via ce type d’événement, c’est toujours bien.
Donc, sans rancune ? On recommence l’an prochain ?
Tu m’étonnes ! On n’est pas du genre à se décourager.
Quelles actualités pour Novacel ?
Nous avons 30 ans cette année. Donc, ça se fête.
Nous venons de lancer le premier verre électronique adaptatif. Les cristaux liquides qu’on a intégrés ajoutent de la puissance dans le verre pour mieux voir de près. C’est un produit très innovant réalisé en partenariat avec une startup belge. Au passage, il faut que les industriels installés travaillent plus avec les startups.
Meta a pris 5 % de Rayban, donc ça montre qu’il va y avoir des choses à faire dans les verres connectés. Le futur, ce sont les verres électroniques qui s’adaptent aux yeux.
Là, on est au début d’une révolution.