C’est ce que dénonce la tribune de Gilles ATTAF que les Échos ont relayée. On parle souvent ici du manque de confiance que les Français se font les uns aux autres. Ce pays qui aime ceux qui entreprennent mais qui se méfie de ceux qui réussissent n’applique pas sa curieuse paranoïa qu’aux chefs d’entreprise.
Non. En réalité, nous doutons de la loyauté ou de la probité d’à peu près tout détenteur d’une fonction à responsabilité. De peur, probablement, qu’il n’en tire un pouvoir ou un avantage personnel indu. C’est le cas du médecin, du policier, de l’élu mais aussi de nombreux fonctionnaires.
Alors, je sais bien qu’à chaque fois que j’écris « on se méfie trop », certains de nos lecteurs répondent : « OK… Vous voulez qu’on ne contrôle plus rien du tout ». Mais entre un laxisme coupable et l’enfer contrôlant dans lequel notre
administration enferme ces métiers à coups de normes et de risques pénaux, il y a quand même une marge.
La tribune que Gilles Attaf a fait paraître dans les Echos illustre ce problème à merveille. Elle parle du cas, ô combien stratégique, des acheteurs publics.
Comme vous le savez, chaque année, notre déficit commercial appauvrit la France de plus de 100 milliards d’€. Et, dans un pays dont les dépenses publiques représentent 56% du PIB (non, la France n’est pas ce pays néolibéral dont parlent certains étourdis) les achats publics peuvent régler une bonne partie du problème.
Encore faudrait-il que les acheteurs publics en aient le droit !
Car, pour éviter qu’ils cèdent à une corruption tentante, ces décideurs sont pénalement responsables de leurs choix (plus qu’ailleurs). Et, comme la perspective de dormir en prison ne les ravit pas, ils en arrivent à prendre le moins de risques possibles. En basant essentiellement leurs choix sur le critère le plus incontestable, le plus facile à comparer et à argumenter : le prix.
« René, pourquoi t’as choisi ce fournisseur ? – Il est 10% moins cher ! – Ah, d’accord… ».
Or le prix, dans notre mondialisation heureuse, c’est en Asie qu’il est le plus compétitif.
Voilà comment notre commande publique est l’une des moins patriotes d’Europe. Mois d’1/3 va dans les poches de nos entreprises nationales contre plus de 2/3 en Allemagne. Un pays, lui aussi soumis à l’interdiction européenne d’appliquer une préférence nationale dans ses achats publics.
Comment font les Allemands ?
Ils accordent plus de poids à d’autres critères de choix. Notamment aux critères sociaux (parité, respect des droits humains) et environnementaux (circuit court, bilan carbone). L’Italie et l’Espagne font de même.
Bruno Le Maire a annoncé que la France allait suivre cette tendance. Qu’il n’hésite pas, également, à alléger la responsabilité pénale des acheteurs. La commande publique pourrait ainsi, enfin, véritablement ruisseler sur l’économie et les salaires de nos PME régionales.