Le Président de la République a donné une longue interview au magazine L’Express. Il y a prononcé 31 fois les mots « industrie » ou « industrialisation » et à peu près tout ce qu’un défenseur du made in France voulait entendre y a été dit.
Mais dire n’est pas tout. Il faut agir aussi. Et, en la matière, Emmanuel Macron a reconnu la lenteur de l’exécution européenne qui tarde à s’adapter à un monde qui a changé.
Dans sa bouche, l’ère des naïvetés européennes est terminée.
Pourtant il décrit un marché européen qui « reste un des marchés les plus ouverts du monde, le seul qui respecte encore les règles de l’OMC, alors même que la Chine et les États-Unis en sortent. »
Alors, « il faut assumer une politique industrielle avec une préférence européenne, assortie d’achats européens (…). Toutes les autres puissances le font. N’essayons pas d’être les premiers d’une classe dont nous finissons par être les seuls élèves. »
Pour le reste, il tient son cap. Celui d’une industrie française qui doit s’appuyer sur l’Europe afin de cofinancer les investissements colossaux demandés par la décarbonation et les nouvelles technologies (IA, quantique…).
À le lire, on sent bien que son projet de faire de l’industrie européenne la plus décarbonée du monde a un objectif protectionniste. Il permettra d’installer des barrières douanières d’un nouveau genre, écologiques celles-là.
« La solution, ce sont les fameuses clauses et mesures miroirs : si on demande des efforts à nos producteurs, on doit pouvoir réclamer à ceux qui importent en Europe les mêmes efforts. », a-t-il martelé dans L’Express.
Soit. Mais aujourd’hui, elles ne sont pas là.
Autre conviction du banquier qu’il a été : Il ne peut y avoir d’industrie performante sans investissements massifs dans l’innovation.
« Quand on regarde les trente dernières années, c’est l’absence d’une (…) stratégie autour de l’innovation qui explique pourquoi les Européens ont créé deux fois moins de richesse par habitant que les Américains. »
C’est pour cela qu’il veut une finance européenne plus performante, plus attractive et plus indépendante.
« À la sortie de la crise financière de 2008, l’Europe a surrégulé les banques (…). Si les Américains n’appliquent pas ces règles prudentielles, on doit les assouplir pour que nos banques et nos assureurs puissent financer les transitions climatiques et numériques. Et remettre de l’argent dans les entreprises, ce qu’elles ne font plus. »
« Chaque année, 300 milliards épargnés par les Européens financent l’économie américaine en actions ou en obligations, c’est une aberration. » Parce que l’Europe « ne dispose pas d’un vrai marché de capitaux ».
C’est donc un chef de l’État lucide qui a répondu à l’Express. Espérons que des mesures concrètes en découlent. Car les choses européennes avancent peu jusqu’ici.