Le débat de la mascotte des JO fabriquée à 80 % en Chine continue de susciter de nombreuses réactions. – voir notre article précédent -Et l’Etat se défend via Roland Lescure, ministre de l’Industrie, et Olivier Véran, porte-parole du gouvernement. Gilles ATTAF, lui, dans une nouvelle tribune enfonce, le clou !
Olivier Veran : « aujourd’hui, on ne sait pas le faire »
Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran le reconnait avec franchise et sans se voiler la face : la France n’était pas capable de tout produire : »J’adorerais, et on se bat pour ça, qu’en France, on soit capable d’avoir suffisamment de matières premières et d’usines textiles pour fabriquer deux millions de peluches en quelques mois, le constat c’est qu’aujourd’hui on ne sait pas faire. Par contre, ce qu’on sait faire, c’est pousser les entreprises françaises qui fabriquent en Chine à relocaliser en France. C’est un problème structurel lié au fait que la France a perdu ses usines pendant des années. La France est redevenue le pays le plus attractif d’Europe depuis plusieurs années consécutives et on sera demain en capacité de produire ce qu’on ne sait plus produire aujourd’hui ».
Roland Lescure : « Gouverner, c’st choisir. Ce n’est pas simple »
Le ministre de l’Industrie, lui, calme le jeu et veut croire à un avenir meilleur : « J’ai réuni la semaine dernière à Bercy une vingtaine d’entreprises qui relocalisent cinq objets du quotidien, des montres, des vélos, des jouets… Il y avait notamment Doudou et Compagnie qui était là. 20% (des mascottes), ce n’est pas assez mais c’est quand même mieux que rien, vont être fabriquées en France. Pour cela, ils vont accroitre la taille de leur usine en Bretagne, recruter des salariés. Je préfèrerais en faire 100%, comme Yves Jégo. C’est déjà un bon début, il faut continuer. Il faut que, pas pour les prochains JO parce que ça sera peut-être dans 100 ans, mais peut-être pour la prochaine compétition sportive, on ait des mascottes qui soient complètement made in France. (…) Vous vendez un doudou à 50 euros et les gens vous disent qu’ils ne peuvent pas se payer la phryge, explique le ministre de l’Industrie à propos d’une fabrication en France. Gouverner, c’est choisir, ce n’est pas simple. Moi, mon combat, c’est de relocaliser notamment des objets du quotidien. (…) Pour les mascottes, on a coupé la poire en deux. Je n’étais pas dans le jury qui a donné ce contrat. Mais je comprends qu’avoir une entreprise française qui relocalise une partie de sa production. On vend 2,8 millions de vélos en France, il n’y en a que 800.000 qui sont faits en France. Notre objectif, c’est d’en faire 1 million. Je préfèrerais en faire 2,8 millions mais déjà, commençons par 1 million.”
Christophe Béchu : « Quelques mois pour corriger le choix ! »
Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, avait été le premier membre du gouvernement à réagir et à être beaucoup plus critique : « Je veux croire qu’on a encore quelques mois avant que les JO ne se tiennent pour être capables de corriger le sujet (…) On ne peut pas se retrouver, au moment où on explique qu’il faut des circuits courts et relocaliser, avec une production de mascotte qui se fait au bout du monde, y compris quand on défend la perspective de lutter contre le réchauffement climatique, ce qui suppose de favoriser ce qui se fabrique à proximité »
Gilles Attaf : « c’est un scandale ! Nous réitérons les mêmes erreurs que par le passé ! »
Gilles Attaf, lui, a une nouvelle fois pris sa plume pour dénoncer dans une nouvelle tribune, très remarquée, « ce choix absurde » : « Les mascottes des Jeux Olympiques de Paris 2024 ont été dévoilées le lundi 14 novembre, par le Comité d’organisation des JO. Dans le même temps, on apprend qu’elles seront fabriquées à 80% en Chine. Quelle ironie ! L’association Origine France Garantie que je préside se bat depuis 2011 pour le fabriqué français et la réindustrialisation : elle alerte sur ce non-sens, qui révèle les faibles capacités de production françaises en raison d’un abandon de notre industrie durant des décennies.
Cette annonce est un véritable scandale et la preuve que nous réitérons les mêmes erreurs que par le passé : avec les Jeux Olympiques à Paris en 2024, nous avions la possibilité d’anticiper ces besoins de production de mascottes et autres goodies, de poser des jalons en amont pour recréer des filières locales capables de répondre à une telle demande.
On parle toujours de prix lorsqu’on évoque le made in France mais la vraie question, c’est surtout celle des volumes : si on a la capacité de produire en grande quantité, on est en mesure de réduire les coûts et d’être compétitif. Et pour produire en grande quantité, il faut avoir un outil industriel performant, ce qui n’est plus le cas en France car nous avons abandonné notre industrie pendant des décennies : les produits manufacturés représentent en effet 10% du PIB en France, contre 16% en Europe et même 22% en Allemagne.
Nous savons depuis 2017 que les Jeux Olympiques auront lieu à Paris en 2024 : nous avions parfaitement le temps d’anticiper et de planifier la relocalisation des filières concernées.
Nous aurions pu profiter de ces mascottes pour envoyer un signal, pour lancer un grand projet de réindustrialisation et de cohésion sociale. Mais comme toujours, la vision à court terme prédomine et c’est dramatique.
L’autre question qui se pose et que l’on a vu émerger avec la filière des masques, c’est celle de la pérennité des secteurs que l’on parvient à relocaliser.
Une filière s’est recréée en France suite au besoin urgent de masques et de blouses en grande quantité. Mais une fois que la situation s’est normalisée, les acheteurs publics et privés se sont reportés sur les produits Made in China, tuant une deuxième fois cette filière. C’est là où nous pouvons agir à plusieurs niveaux :
- L’État peut donner l’exemple et agir via la commande publique – Voir sa précédente tribune – pour donner des volumes et remplir les carnets de commande. C’est un levier efficace mais totalement sous-employé actuellement. Ce système d’achat encadré par le code des marchés publics européen interdit d’inscrire noir sur blanc des critères d’achat local dans les appels d’offres mais laisse la place à de nombreux autres critères encore sous-exploités en France. Des outils qu’arrivent à manier avec habileté l’Allemagne, l’Espagne ou encore l’Italie pour favoriser leur industrie dans leurs appels d’offres alors qu’ils sont soumis également au droit européen. Ces pays voient la culture de l’achat non pas comme une simple grille de critères à valider pour faire gagner l’appel d’offre en misant tout sur le prix mais comme une véritable source d’opportunités pour les entreprises de leur territoire.
- Les acheteurs du secteur privé peuvent eux aussi agir et s’engager à privilégier les produits fabriqués en France pour soutenir la demande et encourager les filières qui se recréent en France. Si l’État donne l’exemple avec la commande publique, l’incitation sera plus forte pour le secteur privé.
- Enfin, les consommateurs ont leur rôle à jouer : en dirigeant leurs achats vers plus de fabrication française et moins de Made in ailleurs, ils peuvent avoir un impact puissant. Il faut changer les mentalités en profondeur.
Si nous voulons être capables demain de produire 2 millions de mascottes sur le territoire national ou de mener à bien d’autres productions d’envergure de ce type, il est impératif d’adopter enfin une vision à long terme et d’actionner tous ces leviers. »
Le débat est loin d’être clos…
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On dénonce, on dénonce, on s’indigne mais pas grand chose ne bouge en réalité. Pourtant vous dépensez tellement d’énergie dans ce combat, j’en suis admiratif.
Je me bas également au quotidien pour ce combat mais de nombreuses collectivités sous prétexte qu’elles ont des baisses de dotation ne regardent que le prix et nous répondent qu’elles ont acheté moins cher des produits d’importation. Alors je leur explique que ce n’est pas en agissant comme cela qu’on va arriver à réindustrialiser la France mais c’est trop tard, nous avons perdu l’affaire. On devrait avoir un droit de regard sur la dépense de l’argent public en privilégiant les entreprises francaises qui produisent en france. Il faut taxer les produits finis à l’importation sinon nous n’y arriverons jamais. Ce qui est possible dans d’autres pays européens n’est pas possible en France sous quel prétexte ? Encore du dogmatisme politique comme pour les voitures électriques. il faut faire pression pour que l’état change sa politique d’achat public.