C’est la rentrée des événements FFI. Paola Fabiani , la Présidente du Comex 40 du Medef et Ceo de Wisecom, était l’invitée ce mardi 13 septembre de notre dîner parisien qui s’est déroulé au Sarté – un restaurant situé au pied de Montmartre et qui était privatisé pour l’occasion. Elle a succédé, dans l’exercice, à Carine Guillaud. – relocalisations.fr– que Gilles Attaf retrouvera vendredi à Arcachon dans le cadre de la première édition de la Plage aux Entrepreneurs.
- Forces Françaises de l’Industrie : Paola, vous êtes une jeune dirigeante engagée, et vous avez, notamment une double casquette : celle de présidente du Comex 40 du Medef et celle de CEO de votre société Wisecom. Pouvez-vous nous présenter votre société avant de nous parler du Medef ?
- Paola Fabiani : « J’ai commencé vraiment par hasard dans les centres d’appels en parallèle de mes études en petit boulot comme beaucoup. J’ai totalement découvert ce secteur à mi-chemin entre l’industrie et le service et, très vite, j’ai été séduite par le management mais aussi par la multitude de secteurs d’activité avec qui on travaillait. Ainsi j’ai eu l’opportunité de progresser jusqu’à devenir directrice des opérations chez un acteur majeur pour ensuite être recrutée par mon client 9 télécom à 24 ans en tant que directrice des ventes directes. Forte de mon expérience et de cette double culture, j’ai décidé de monter Wisecom avec mes associées en 2005 et de repenser le métier.
Wisecom, 240 salariés, un chiffre d’affaires de 10 millions d’€
- Les F.F.I : Wisecom est aujourd’hui une très belle société, située en… plein centre de Paris ! 240 salariés, et un chiffre d’affaires d’un peu plus des 10 millions d’euros.
- P.F : Wisecom est un centre d’appels atypique, car avec mes associées on a voulu, en lançant l’activité, prendre le contrepied du marché de la délocalisation à son apogée. Nous nous sommes, effectivement créés en plein cœur de Paris. Avec l’idée de montrer que l’on pouvait être compétitif par rapport au offshore (Afrique du Nord, Madagascar…) en basant notre entreprise sur quatre piliers :
« Un turnover inférieur à 5% sur nos CDI » …
- 1/ Mettre l’humain au cœur du modèle dans un métier qui est plutôt mal vu et très répétitif. Cela signifie développer l’attractivité des talents, faire venir des personnes à ce métier en cassant les idées reçues et en capitalisant sur un vaste bassin d’emploi pour avoir le choix dans les profils
- 2/ Travailler sur la fidélisation. C’est un vrai métier qui demande de plus en plus d’expertises avec pas ou peu d’école de formation. Nous devons recruter les bons profils puis les garder pour capitaliser sur leur savoir-faire. Nous avons une politique RH très dynamique : 90% de nos managers et de nos directeurs sont issus de nos plateaux. Et nous continuons de leur offrir la possibilité de se former à de nouveaux métiers. Cela bouge sans arrêt. Nous sommes proches de nos collaborateurs. Nous avons fait de la RSE avant l’heure en voyant cela comme un vrai levier de compétitivité par exemple nous pouvons nous porter caution quand ils cherchent un logement à Paris, nous aménageons les plannings, nous proposons du flexworkworking pour réduire les temps de trajets ou encore avons mis récemment en place la première assurance inclusive Wakam … Wisecom affiche un turnover inférieur à 5% sur nos CDI, là où le marché est à 25% !
- 3/ Travailler sur la proximité entre les clients, les marques et les équipes qui les incarnent au quotidien auprès de leurs consommateurs. Ces équipes portent les valeurs de la marque. Plus elles sont valorisées, mieux elles le font et plus elles captent des tendances. Elles peuvent ainsi faire remonter des informations très précieuses..
- 4/ Nous avons aussi voulu prendre le pari de l’automatisation avec notre lab Innovation où l’on source des technologies pour gérer tout ce qui n’a pas de valeur ajoutée. Réduire ainsi les interactions. A ce jour, on en a plus de 200 dont 50 sélectionnées et actives. Ce qui nous permet de concentrer l’expertise humaine sur les contacts à forte valeur essentielle pour les consommateurs et les marques. Ainsi on monte en gamme notre métier en valorisant le savoir-faire et en réduisant la facture pour nos clients
« La France est le leader mondial dans le secteur des centres d’appels »
– F.F.I : Wisecom s’est-il développé à l’international ?
- P.F : nous avons deux sites à Paris et, depuis tout juste un an, un site en Corse à Ajaccio avec l’idée de développer le bassin d’emplois Corse, d’éviter que nos jeunes partent à contrecœur sur le continent, permettre notamment à une population de jeunes mamans de trouver un emploi en adéquation avec leur vie personnelle en réduisant les temps de transports mais aussi de développer l’emploi dans les villages. – NDLR : Paola partage sa vie entre Paris et l’ïle de Beauté-. Wisecom peut être un tremplin pour bon nombre de ces talents. Et un trait d’union, du reste, vers des métiers tournés vers l’industrie. Nous travaillons sur toute l’Europe à partir de la France. Pour des marques de luxe mais aussi des industriels majeurs, nos équipes s’expriment dans plus de 10 langues ! Nous envisageons dans les années qui viennent une implantation internationale sur le continent américain. Contrairement aux apparences, Il faut savoir que la France est le leader mondial des centres d’appels ce qui est assez méconnu avec Télé Performance qui est depuis peu côté au CAC 40 et 2 autres sociétés d’origine française dans le top 5 mondial ! A ce sujet, nous sommes en passe d’être labellisés Origine France Garantie. C’est par ce biais, du reste, que j’ai échangé avec Gilles Attaf par l’intermédiaire de Pascal Teurquetil et Karine Martins. Notre métier est à la frontière entre le service et l’industrie. Nous avons hérité de beaucoup de normes et d’indicateurs de ce dernier, en même temps nous nous définissons aussi comme un métier de services. On est dans cette logique mixant humain et technologie autour de la relation à distance et du digital.
F.F.I : Vous avez en parallèle, de nombreux autres engagements…
- P.F : J’ai souhaité depuis maintenant 5 ans m’engager dans des actions de bien commun, c’est pourquoi j’ai adhéré au Medef. Je suis Présidente du Comex 40, administratrice du Medef Paris, élue à la Chambre de Commerce de Paris – et vice-trésorière- à la Région Ile de France, conseillère au CESE – Conseil économique social et environnemental- et administratrice, depuis peu, de Pacte PME qui permet de rapprocher des grands groupes avec des PME françaises en créant des passerelles. J’ai découvert les principales actions du Medef ainsi que l’importance des mandats, J’ai rencontré des gens passionnants et pu partager aussi bien mes problématiques d’entrepreneurs que ma vision sur des sujets majeurs qui nous concernent tous.
« J’ai rejoint le Medef, par un des hasards de la vie qui fait souvent bien les choses… »
–F.F.I : revenons au Medef. Comment l’avez vous rejoint !
- P. F : Par le hasard de la vie qui fait souvent bien les choses. J’étais au Canada ou j’ai rencontré un ancien chef de cabinet d’un ministre, qui m’a conseillé d’adhérer au Medef, de ne pas rester sur mes idées préconçues et de rencontrer des membres. C’est ainsi que j’ai pu échanger avec des adhérents du Medef Paris et que j’ai mieux compris le rôle du Medef, ses nombreuses actions pour les dirigeants et notamment le principe du paritarisme. Deux ans plus tard, on m’a proposé de prendre la présidence du Comex 40 du Medef qui a été créé il y a presque quatre ans à l’initiative de Geoffroy Roux de Bézieux et Patrick Martin, mis en œuvre par Fabrice Lesaché. L’idée est de doter le Medef d’un organe représentant les jeunes dirigeants. Le Comex 40 a été d’abord lancé au niveau national. Il compte 45 membres sélectionnés, 23 femmes, 22 hommes. 70% des secteurs d’activités sont représentés et 80% des territoires. Autre particularité, il compte 1/3 d’entreprises innovantes, start-ups et 1/3 de PME, ETI. Sans oublier, bien sûr, les dirigeants de grands groupes. Le Comex40 s’est ensuite développé dans les territoires et compte maintenant plus d’une vingtaine de comex40 Territoriaux.
– Les F.F.I : quel est le rôle de ce Comex 40 du Medef ?
- P.F : Ce Comex a quatre missions :
- Apporter la vision des jeunes dirigeants et venir Challenger le Medef sur les grands enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux qui impactent nos entreprises aujourd’hui et demain.
- Créer des synergies avec des politiques, des grands patrons, des associations … Faire rayonner le Medef à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de nos frontières. On a été en Corée, notamment.
- Se saisir des sujets d’actualité pour donner le point de vue des jeunes dirigeants. Différents échanges ont notamment été organisés avec les candidats de tous bords lors élections présidentielles par exemple.
- Dernier point, pour moi et un des plus importants : notre rôle est de mener des groupes de travail avec des sujets de réflexion. Nous avons planché sur les flux migratoires, sur la remise en question de la démocratie libérale, sur l’anticipation des crises, l’alter -croissance, la transition professionnelle, le flexworking. Le tout en plaçant l’entreprise au cœur des débats. Nous formulons nos propositions auprès de la présidence du Medef et travaillons ensuite avec les différentes commissions du Medef et tout l’écosystème pour apporter notre pierre à l’édifice.
« Non, notre génération n’est pas fâchée avec l’industrie »
– F.F.I : Connaissiez-vous notre mouvement avant d’accepter l’invitation lancée par Gilles ?
– PF : je connaissais évidemment le label OFG. Pour ce qui du mouvement des F.F.I on en a discuté avec Gilles lors de notre rencontre. On a eu l’occasion d’échanger au sein du Comex40 sur la délimitation entre services et industries. Je crois de plus en plus en l’industrie du service. Les F.F.I en ont encore plus de sens. Notre économie , notre souveraineté, notre compétitivité sont certains des enjeux essentiels qui impactent toutes les parties prenantes et ou nos industries tiennent un rôle majeur sur lesquels le gouvernement doit se positionner d’une manière très claire pour les accompagner. En installant Wisecom en plein cœur de Paris, nous avions la même volonté de montrer que le modèle français dans les centres d’appels peut être compétitif à condition d’être pensé un peu autrement et de se transformer au fil des années.
– F.F.I : Carine Guillaud dit qu’on ne lui a pas parlé d’industrie pendant ses études à l’Essec. Votre génération est-elle fâchée avec l’industrie ?
– PF : Je ne le pense vraiment pas ! Je suis du reste mariée à un jeune chef d’entreprises industrielles ! Il faut par contre arriver, à trouver la manière d’encore mieux faire comprendre , valoriser l’industrie et le « made in France » auprès du grand public.
Des efforts sont entrepris pour toucher différentes parties prenantes. On commence à voir apparaître un certain impact auprès des consommateurs, notamment dans le secteur du textile ou de l’agro-alimentaire. Il faut que cette valorisation soit encore plus marquée dans d’autres activités.
« Attirer les talents, notamment féminins, vers ces métiers… »
Par ailleurs, il faut aussi accentuer la création et accompagner la transformation , le développement de nos industries en France.la Politique a un rôle à jouer majeur dans cette stratégie, le Plan de Relance 2030 en est une illustration mais il faut aller plus loin. L’effort ne doit pas porter uniquement sur l’investissement. Il faut mieux mettre en avant les talents, les produits. Comment mieux valoriser le produit final pour se rendre compte qu’à l’arrivée, il vient bien de France ? Il faut aussi travailler à casser les idées reçus sur certains secteurs et attirer les talents notamment féminins vers ces métiers. Il faut aussi résoudre la problématique des impôts de production qui pénalise les entreprises françaises quand on voit que la suppression de la CVAE a été reportée, ce n’est pas un signe rassurant.
- Les F.F.I : qui répondrez vous à Gilles Attaf qui n’a pas manqué de vous interpeller sur la hausse du prix de l’énergie ? Pensez vous que l’on a sacrifié la PME-Nation pour la Start-up nation ?
- PF : La crise n’est pas passée, on est en plein dedans, et elle risque de s’accentuer cet hiver. La raréfaction de l’énergie va entraîner des choix. C’est un gros sujet. Comment fait-on pour continuer à produire avec une diminution de l’énergie ? Comment rester compétitif ? Comment transformer très vite nos usages ? Pour le moment, il n’y a pas de solution parfaite mais notre rôle de chef d’entreprise est de composer en essayant à la fois de gérer l’immédiat tout en construisant des transformations pérennes pour l’avenir. Nous sommes bien sûr convaincus de la nécessité et de l’urgence de la transition environnementale, Il faut qu’elle soit réalisée d’une manière intelligente et avec une vision qui s’inscrit dans le temps en prenant aussi en compte l’impact social et sociétal, l’un ne va pas sans l’autre.
Concernant la Start-up Nation VS la PME Nation, Il ne faut pas sacrifier l’une ou l’autre, Je ne suis pas une fanatique du « ou/ou mais plutôt du et/et, ce sont toutes des entreprises qui créent de l’emploi et qui sont essentielles à notre économie, à notre innovation. J’ai eu l’occasion de faire, récemment, une intervention à la Ref du Medef avec Jean-Noël Barrot, Ministre de la transition numérique, sur comment « passer à 100 licornes d’ici 2030. ». Pour rappel, la frenchtech a seulement été créée en 2012, la France cumulait alors beaucoup de retard sur le sujet et en l’espace d’une petite dizaine d’années, elle est apparue parmi les pays les plus dynamiques, On a couronné 11 licornes en 2021, et sommes à plus d’une vingtaine de licornes maintenant !
Il faut continuer à soutenir la startup Nation : les licornes contribuent à développer l’attractivité de la France.. Mais c’est une réalité par ailleurs : l’éclairage et la mise en avant de nos industries n’ont pas été assez importants ces dernières années. Le Covid qui a eu beaucoup d’effets néfastes a permis de mettre en exergue l’importance de nos industries et le risque de nos multiples dépendances. Mais il faut aller plus loin tout en les transformant pour répondre aux enjeux incontournables.
« Il faut continuer à soutenir la Start-up Nation, et ne pas l’opposer à la PME Nation. »
- Les F.F.I : pour finir, quel est votre secret pour faire autant de choses.
- P.F – Je ne sais pas ! – Rires-. Me retrouver avec les miens et jardiner chez moi en Corse… Plus sérieusement, la visio m’aide beaucoup ! Je n’ai pas la prétention de dire que j’ai un secret et que j’y arrive tout le temps. J’ai plutôt tendance à penser que les choses ne sont pas dissociées, les unes alimentent les autres.
D’un côté le fait d’avoir des engagements divers et variés me permet d’avoir une vision pour Wisecom, je m’inspire des tendances, des expériences. J’anticipe mieux, et c’est quelque chose d’essentiel quand on dirige une entreprise !
Et de l’autre côté mon regard, mes propos, mes convictions émanent de mon vécu dans mon entreprise. C’est ce qui me permet d’avoir mes propres retours d’expériences, d’être ancrée dans la réalité au quotidien.